Sunday, January 14, 2007

Paradis de la mémoire

.Aujourd'hui,le train te conduit à la gare d"Aubazine Saint-Hilaire.C'est là,où tout a commencé,un après midi(Juin 1943),ta mère te faisait lire les premières pages de "La petite basse cour",je l'entends encore me dire:tu sais lire maintenant;tu cherches vainement l'abri où nous avions pu nous installer en attendant un train retardé. C'est là,où tout s'est achevé,à la fin de l"Eté 1945;dans un wagon de marchandises loué pour le déménagement était entassé le mobilier familial,ma mère devant rejoindre à la rentrée scolaire le poste qu'elle avait pu obtenir près de Perpignan. Un souvenir plus clair est lié à un objet inattendu,un soir,ma mère et moi nous rentrions de Brive par l'unique train du soir,un employé sans doute le responsable de la gare devait donner le signal de départ du train en partance,il tenait une énorme lanterne et un sac en cuir dans lequel on pouvait apercevoir une trompette chromée;je marchais derrière ma mère en souhaitant que la trompette s'échappe du sac,mon souhait fut exaucé,profitant de l'inattention de ma mère et de la distraction de l'employé,j'enfouis sous mes vêtements ce jouet inespéré."Cornil!! Cornil!! Cornil!!",c'est ainsi que je m'époumonais en criant à tue-tête le nom de cette halte ferroviaire située à quelques kilomètres. Maintenant,tu t'installes au Saint Hilaire qui affiche "Menu ouvrier 11 euros",sur un mur de ce café restaurant on peut lire: SALLE DES FETES DE DAMPNIAT,DIMANCHE 22 OCTOBRE 2006,CONCOURS DE BELOTE,PREMIER PRIX 2 JAMBONS. Tu t'attardes sur le pont près de l'usine dont la fermeture est prévue. TU veux retrouver la route aujourd'hui où tu marches lentement,voulant préserver les premières images qui se télescopent dans le kaléisdoscope de ta mémoire. Une carte de randonnée m'aide à retrouver le nom des hameaux.La Geneste(retour sur le passé),une voiture de la Wehrmacht en stationnement,deux gradés se dirigent vers la ferme,à la recherche d'un problématique ravitaillement,quelques oeufs, un morceau de lard,afin d'améliorer l'ordinaire.Puis quelques pas,voilà les premières maisons du village,le café Barony devenu restaurant,la maison de l"unijambiste Delon qui louait un petit appartement à un Monsieur Henner qui n'avait qu'une dent,la place, le bassin,l"église sombre et austère,le jardin de l"école a disparu, tu cherches en vain le poirier,les groseillers,lesrosiers.La classe des grands n'a plus d'accès sur rue,une rangée d'hortensias dissimule l'emplacement des marches où tu avais délicatement déposé un rat mort à l'attention de Mademoiselle Valade.Tu reconnais l'entrée du modeste logement;de part mon métier sans pour autant connaître les ors de la République,j'ai toujours pu bénéficier de logements confortables et spacieux,je trouve honteux que des fonctionnaires aient pu se voir attribuer en guise de logements des habitations sans le moindre confort:il fallait aller chercher l'eau à la fontaine ,utiliser les toilettes de la cour de récréation. Tu t'attardes au cimetière ,les noms gravés sur les tombes te sont inconnus. Tu veux marcher sur la route de Brive jusqu'à Lafarge,c'est là où l'on t'envoyait chercher des oeufs(cinq francs pièce),renonçant à rentrer à Brive par la route,tu préfères encore marcher à travers la campagne,un chemin te conduit à la Renaudie,c'est là que tu rencontres un Monsieur qui peut avoir ton âge,tu crois reconnaitre la maison où habitait Jean Maniere .Je me présente, ce Monsieur se nomme Pierre Saule,il se souvient très bien de maman. Retour au village, derrière l"ancienne boulangerie,une passerelle couverte surplombe la ruelle,un garçon d"une quinzaine d"années ,essaie de rattraper un cochon qui s"enfuit ,cela avait beaucoup fait rire maman, car le gamin était un cancre notoire.Je passe devant le couvent des Recluses qui semble abandonné,plus loin je veux retrouver le pré où j'avais gardé les vaches avec André Delpeyroux.Le train te conduit à Brive,un panneau lumineux indique qu"il continue sur Perigueux,je me souviens des poignées en cuivre des portières du train de Terrasson qui quittait la gare à la même heure. Le lendemain, un car de la S N C F, te conduit à nouveau à LA GARE D'AUBAZINE SAINT HILAIRE,deux autres voyageurs dont une ancienne pute(genre Madame Rosa) et son petit chien.A LA GARE D'AUBAZINE SAINT HILAIRE,j'emprunte la route de Lanteuil jusqu'à La Cave, c'est là où demeurait un Monsieur qui se nommait Perrier ou Perrié qui faisait commerce de boissons,(j'avais longtemps cru qu'il était propriétaire de l"eau Perrier.A deux pas , un endroit magique au bord de la Roanne,c'est là où maman me conduisait en promenade,je pouvais me baigner dans la rivière ,à cette époque , non encore polluée.C'est un jeu d"enfant de rejoindre le bourg d'Aubazine par le chemin qu"il fallait emprunter pour aller se faire vacciner par le bon Docteur Verdier, qui à l'instar du Docteur Katz pratiquait la charité chrétienne;ce personnage haut en couleur, disait ,parait-il, dans des moments d'aberration la messe à des cochons qu"il élevait.Une plaque a eté apposée sur la façade de la modeste maison où il officiait : DOCTEUR GEORGES VERDIER BIENFAITEUR DES PAUVRES DE LA COMMUNE. Chez Lachaud, un bon repas te réconforte. Tu t'attardes dans l'abbaye,où tu reconnais le mobilier souvent reproduit dans les ouvrages consacrés à l'art médieval. Tu ne te lasses pas de marcher jusqu'au soir,sur une route bordée de châtaigniers. Epuisé, Tu trouves vite ce soir là ,un sommeil réparateur.